Intangible... donc sans valeur ?


On entend encore régulièrement dans la bouche des sceptiques – entendez ceux qui n’ont aucun intérêt à ce qu’une économie se développe autour de la cryptomonnaie – que Bitcoin ne vaut rien, car il ne repose sur rien de tangible, de matériel, que l’on puisse palper.

Dès lors, s’agissant uniquement d’un réseau d’informations électroniques, il serait en quelque sorte ‘détaché’ de l’économie réelle, tel un virtuel et inutile objet de rêverie spéculative.

Selon cette logique, ce qui n’aurait pas de matière n’aurait pas de valeur ‘intrinsèque’.

L’information qui change le cours de l’histoire

Comme cela est souvent le cas, un coup d’œil dans le rétroviseur nous déconstruit bien vite cette opinion : la trajectoire de l’histoire n’a cessé d’être infléchie par la connaissance – ou l’ignorance – d’une information. Ces moments où des généraux, des capitaines d’industries ou des chercheurs auraient littéralement donné tout ce qu’ils avaient pour avoir la bonne information.

Une information qui, à leurs yeux, n’a pas de prix assez élevé tant elle a de la valeur.

Ainsi, à une information qui est capable de changer le cours d’une histoire patrimoniale, quelle valeur donneriez-vous ? Quel prix ?

Si vous êtes seul à connaître cette information, car elle est impossible à deviner, unique parmi 10 exposant 77 possibilités ?

Et si elle a la caractéristique d’être une preuve formelle, sans équivoque, s’appuyant sur la cryptographie, les mathématiques et la thermodynamique, et ne pouvant donc être mise en doute par rien ni personne ?

En outre, si elle transite sur un des plus grands réseaux pair à pair au monde, impossible à réduire au silence ?

Si, enfin, elle agit comme un titre de propriété, vous octroyant le pouvoir de transférer une certaine quantité, virtuelle certes, mais incontestablement rare, à un destinataire de votre choix, sans que quiconque ne puisse l’empêcher ?

Autant de questions dont nous connaissons intuitivement la réponse, n’est-ce pas ?

L’or est une information

En dehors de ses applications industrielles ou artistiques marginales de ‘marchandise’, le métal précieux est reconnu comme valeur pour une raison simple : il constitue une information de la même trempe.

Certes, il est tangible, on peut le toucher du doigt, mais il ne remplit aucun besoin matériel : il ne nourrit pas, ne protège pas, ne réchauffe pas, etc. On pourrait juste le voir comme du plomb couleur jaune brillant.

S’il nous intéresse, c’est parce qu’il atteste d’une rareté empirique et d’une ‘difficulté’ que l’on peut s’approprier et conserver dans la durée.

Tenir de l’or dans sa main, c’est avoir une preuve formelle qu’un travail considérable a été fourni dans le passé pour le trouver, puis le transformer.

C’est un référentiel commun d’énergie et de temps – la base théorique du concept de valeur – cristallisé dans une information perçue par trois de nos sens : le toucher, la vue et même l’ouïe (Le sonnant, le trébuchant et puis… Ce fameux geste qui consiste à frotter son pouce sur son index !)

Millénaire, cette information est profondément enracinée dans notre inconscient et agit comme une force de rappel : quand les temps sont durs, on s’y réfugie.

Son prix peut bien fluctuer au gré des circonstances, sa représentation de valeur n’est pas contestée.

Bitcoin, l’or 2.0


Bitcoin quant à lui est encore trop novateur pour représenter une telle force de rappel – les marchés le considèrent plutôt comme une nouvelle technologie – mais il partage pourtant des caractéristiques absolument similaires avec le métal précieux :

  • une rareté certaine, programmée dès le départ, par une règle d’émission stricte et désinflationniste que l’on ne peut changer : on ajoute de nouveaux bitcoins, mais en quantité de plus en plus réduite en fonction du temps
  • un travail incontournable, considérable et évolutif en difficulté pour émettre de nouveaux jetons, les ‘miner’ : on opère une quantité énorme de calculs afin de découvrir une solution à un puzzle pour écrire sur la blockchain et ainsi créer de nouveaux bitcoins
  • une preuve formelle, perçue par la démonstration mathématique : on vérifie aisément les signatures cryptographiques et la solution au puzzle du ‘minage’

Ainsi, Bitcoin aussi nous apporte une information certaine de preuve de travail, qui atteste d’une rareté démontrée que l’on peut s’approprier totalement.

Mais il ne s’arrête pas là et vient ajouter d’autres propriétés, et non des moindres :

  • un transfert à la vitesse de la lumière, car natif d’internet
  • un consensus distribué en réseau, qui ne requiert pas la permission d’une autorité pour s’échanger
  • un certain niveau d’anonymat, malgré des transactions publiquement traçables, grâce à la cryptographie
  • une confiscation impossible, tant que vous ne divulguez pas vos clés

Cette dernière propriété n’est pas anodine : Bitcoin réalise enfin le rêve des pharaons et de leurs pyramides : emporter avec soi ses richesses, sans crainte de se les faire voler.

Si vous êtes capables de mémoriser 24 mots et que vous refusez de les livrer, même sous la contrainte, on ne pourra jamais vous prendre vos bitcoins. Vous les garderez littéralement avec vous jusque dans la tombe.

Réification

Bitcoin est une structure informatique non matérielle, cependant créatrice, ‘réifiant’ des objets uniques sur son réseau, les bitcoins. Ces objets rares sont créés par le travail (de l’énergie et du temps) et leur titre de propriété s’échange au moyen de signatures cryptographiques.

Ce ne sont que des nombres, des symboles abstraits ne comblant aucun besoin matériel a priori. Dès lors, ils peuvent parfaitement rendre les mêmes services monétaires qu’un métal précieux qui existerait sur internet et s’échangerait avec la facilité d’internet. Ils sont le summum de la propriété, la clé cryptographique leur attribuant une possession toute mathématique, indépendante de l’autorisation de qui que ce soit.

Un bitcoin est donc un morceau de métal rare que l’on ne peut palper, mais qui existe de manière formelle et certaine.

Un or impalpable