Depuis sa création en 2009, le Bitcoin (BTC) n’a cessé de polariser les opinions. Considéré à la fois comme un actif d’investissement, une monnaie d’échange et une réserve de valeur, il interpelle aujourd’hui les gouvernements. Face aux crises économiques, à l’inflation galopante et à une digitalisation accrue des systèmes financiers, les États explorent la possibilité de l’intégrer dans leurs stratégies nationales.
Mais les divergences sont marquées : là où certains voient une opportunité historique, d’autres dénoncent un pari imprudent.
Le Salvador : entre innovation et désillusion
En 2021, le Salvador devenait le premier pays à adopter le Bitcoin comme monnaie légale, un geste audacieux salué par les passionnés de cryptomonnaies. Mais trois ans plus tard, le pays fait marche arrière. Pourquoi cet abandon ?
Le Salvador a dû faire face à plusieurs défis :
- La volatilité du Bitcoin : l’instabilité des cours a déstabilisé les finances publiques et semé la méfiance parmi les citoyens,
- Une adoption limitée : malgré les campagnes de sensibilisation, une grande partie de la population a continué de privilégier le dollar américain,
- Des résultats économiques décevants : L’objectif d’attirer des capitaux étrangers n’a pas été atteint.
Hong Kong : un enjeu stratégique ? 🏦
Alors que le Salvador abandonne le Bitcoin, Hong Kong pourrait lui réserver une place de choix. Un législateur local a proposé d’ajouter le BTC aux réserves de l’État, se calquant ainsi sur le modèle de certains états américains tels que la Floride et l’Ohio qui ont voté l’intégration de Bitcoin dans les réserves d’actifs de l’Etat. Cette initiative reflète :
- Une volonté d’anticiper la position américaine : si les États-Unis, première puissance économique mondiale, incluent le Bitcoin dans leurs réserves stratégiques, cela pourrait avoir un impact majeur sur les marchés financiers mondiaux, obligeant d’autres gouvernements à suivre cette tendance.
- Leadership financier : Hong Kong cherche à renforcer sa position en tant que hub mondial pour les actifs numériques.
Les États-Unis : entre méfiance et opportunités 💵
Aux États-Unis, le débat sur l’intégration du Bitcoin dans les réserves nationales reste vif. Bien que certains économistes considèrent cet actif comme une protection contre l’inflation, les institutions sont encore loin de s’accorder sur une politique claire.
- Les arguments pour : Le Bitcoin pourrait agir comme une réserve de valeur en cas de crise économique ou de dépréciation du dollar.
- Les arguments contre : La volatilité élevée et le manque de contrôle institutionnel rendent son adoption risquée.
Le PDG de CryptoQuant résume bien la situation : « Je me demande si les États-Unis, tout en poursuivant leur croissance alors que d’autres économies stagnent, adopteraient Bitcoin comme actif stratégique. Pour que le débat prenne un sérieux élan, il faudrait que les États-Unis voient leur domination économique mondiale véritablement menacée. À l’heure actuelle, le sentiment du marché suggère une confiance dans la suprématie continue des États-Unis. » La régulation reste un obstacle majeur pour que le Bitcoin gagne en légitimité outre-Atlantique.
Et la France dans tout ça ? 🇫🇷
En France, les discussions sont ouvertes mais prudentes. Si certains experts comme François-Xavier Thoorens et Alexandre Stachtchenko soutiennent l’idée d’une réserve nationale de bitcoins, d’autres mettent en garde contre les risques :
- Arguments pour : diversification des réserves, positionnement stratégique dans une économie de plus en plus numérique.
- Arguments contre : manque de consensus sur la régulation des cryptoactifs, incertitudes sur leur impact à long terme.
Le Bitcoin comme enjeu géopolitique mondial
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D’autres grandes puissances comme la Russie ou le Japon envisagent également d’ajouter le Bitcoin à leurs réserves. Ces décisions reflètent des enjeux géopolitiques et économiques majeurs :
- Le Brésil par le biais de sa Chambre des députés, envisage de réserver au bitcoin une quote-part de 5% des réserves de devises internationales.
- La Russie : Sous le poids des sanctions internationales, le Bitcoin pourrait offrir une alternative pour contourner les restrictions économiques. Portée par le député Anton Tkachev, la proposition argue du constat « qu’en raison de l’instabilité géopolitique actuelle, les monnaies traditionnelles comme le yen, le yuan, l’euro ou encore le dollar sont soumises à la volatilité, à l’inflation, et sont impactées par les sanctions, ce qui constitue une menace pour la stabilité financière russe « . Par conséquent, « Dans un contexte d’accès limité aux systèmes de paiement internationaux traditionnels pour les pays sous sanctions, les cryptomonnaies deviennent pratiquement le seul instrument du commerce international, […] »
- Le Japon : Avec une économie fortement numérisée, il explore la possibilité d’intégrer les cryptomonnaies dans sa stratégie financière.
Bitcoin : monnaie d’avenir ou actif spéculatif ? ⚖️
Le Bitcoin divise, mais il pousse chaque pays à repenser sa politique économique :
- Pour les défenseurs : une réserve en Bitcoin pourrait garantir une indépendance financière et une résilience face aux crises.
- Pour les sceptiques : la volatilité et l’absence de régulation restent des obstacles majeurs à son adoption à grande échelle.
Ce débat reflète des tensions plus larges entre innovation et stabilité économique. Si certains pays se lancent dans l’expérimentation, d’autres privilégient une approche conservatrice. Cette dichotomie témoigne de la complexité d’intégrer un actif aussi disruptif dans des structures étatiques rigides.
Il n’en reste pas moins que l’adoption croissante de Bitcoin dans l’économie des particuliers témoigne d’un mouvement d’adhésion vers cet actif décentralisé et débancarisé. Il reste à déterminer comment sera interprété le message de son « adoption » – ou non – par les Etats dans leurs propres réserves de valeur.