Politique de l’extrême


Récemment, un livre bizarre a défrayé la chronique. Il s’agit de l’ouvrage de Mme Nastasia Hadjadji ‘no crypto’, un petit livre rose cherchant désespérément à démontrer les racines idéologiques d’extrême droite de Bitcoin.

Outre le fait que, selon nous, il ne s’agisse que d’un pamphlet wokiste orienté et déguisé en recherche ‘objective’ par des références glanées dans les pires articles sur le sujet,

Nous avons vu la communauté cryptoenthousiaste perdre son temps et son énergie à réagir, contredire, même tenter en vain de raisonner l’autrice et, ce faisant, lui donner indirectement une certaine visibilité.

Nous n’en commenterons donc pas plus, une critique au scalpel a déjà été rédigée par un référent dans le domaine du Bitcoin.

Mais cet incident a tout de même un bénéfice, celui d’interroger sur les caractéristiques politiques de Bitcoin… et même au-delà.

Souverain de par son existence


Car il est vrai que son fonctionnement évoque quelque chose de politique, de souverain :

  • Proposer une manière nouvelle et intéressante d’interagir avec autrui ;
  • Créer un nouvel espace marchand ;
  • Récompenser ceux qui se donnent du mal pour le système avec la monnaie même du système
  • Présenter un ensemble de règles simples, évidentes, de bon sens, en tant que ‘constitution’
  • Offrir un service équivalent, traiter de manière égalitaire tous ses membres
  • Rendre toute attaque bien trop coûteuse en moyens matériels et énergétiques
  • être imperméable à toute influence extérieure, continuer son chemin de manière autodéterminée
  • Développer chez ses utilisateurs une forme de militantisme et un esprit de cohésion.

En existant, Bitcoin crée une communauté, en motive les actions et les développements à la fois collectifs et individuels.

Il faut bien reconnaître que tout ceci est éminemment politique, une sorte de nation autoproclamée.

Dès lors, la tentation de s’interroger sur son clivage est facile…

Alors, de gauche ou de droite ?

Dans quel terreau aurait-il pris son essor ?

Principes universels

Bitcoin est apparu au milieu de scientifiques et de techniciens, beaucoup ayant des convictions fortes, conscients avant l’heure qu’un réseau informatique global pourrait aussi bien inonder l’humanité de bienfaits que mettre en danger les grands principes du droit humain.

Leurs intentions ont bien évidemment percolé à travers leurs réalisations.

Affichant clairement leurs opinions, ils se posent en défenseurs de la liberté, de la vie privée et des droits individuels, considèrent que ces idées sont indispensables à une vie heureuse.

Entre autres, observant que le cash représente une forme de monnaie peu contrôlable et pas censurable, ils se sont attelés depuis les années ‘90 à la création d’une version électronique pour internet.

Au bout de presque 20 ans de recherches et d’essais infructueux, Bitcoin est enfin né.

Du cash électronique, oui. Mais avaient-ils prévu qu’il présenterait des caractéristiques similaires à l’or ? On peut répondre par l’affirmative en repensant à ‘Bitgold’, une de leurs tentatives de cryptomonnaie.

Ainsi, il n’est pas surprenant qu’ils aient voulu une monnaie qui s’affranchisse des velléités spoliatrices des gouvernants, tout comme l’or a pu le faire durant des siècles.

Mais liberté, vie privée, droits individuels sont des principes qui font (heureusement) partie intégrante d’un grand nombre d’idéologies politiques.

Donc, à moins de tomber dans une doctrine extrême les refusant catégoriquement, il est évident que Bitcoin puisse convenir à toutes.

Point n’est besoin de la logorrhée exaltée de Mme Hadjadji sur le sujet.

Une autre réalité

Mais la subtilité est ailleurs. Bitcoin est plus vaste, ‘supra’politique en quelque sorte.

Au-delà, il plonge ses ramifications dans l’anthropologie par l’incitation individuelle, la sociologie par le groupe, la philosophie par le rationnel et le juste… sans parler de l’économie, bien sûr.

De notre point de vue, sa vraie nature est plurielle, instinctive, elle se trouve ailleurs, au sein même du vivant.

Car Bitcoin n’est pas le rejeton d’une idéologie politique, il est tout simplement vivant.

Bitcoin vivant


Mais la subtilité est ailleurs. Bitcoin réellement est plus vaste, ‘supra’politique en quelque sorte.

Au-delà, il plonge ses ramifications dans l’anthropologie par l’incitation individuelle, la sociologie par le groupe, la philosophie par le rationnel et le juste… sans parler de l’économie, bien sûr.

De notre point de vue, sa vraie nature est plurielle, instinctive ; elle se trouve ailleurs, au sein même du vivant.

Car Bitcoin n’est pas le rejeton d’une idéologie politique, il est tout simplement vivant.

« Bitcoin est le premier exemple d’une nouvelle forme de vie qui respire sur internet.
Il vit, car il peut rémunérer des personnes pour le maintenir en vie.
Il vit car il offre un service utile que les gens sont prêts à payer.
Il vit car n’importe qui, n’importe où, peut en répliquer une copie grâce à son code.
Il vit car toutes les copies en cours d’exécution communiquent constamment entre elles.
Il vit car si une copie est corrompue, elle est rapidement mise à l’écart, sans tracas ni désordre.
Il vit car il est radicalement transparent : n’importe qui peut voir son code et savoir exactement ce qu’il fait. »

Cette citation n’est pas du docteur Frankenstein, mais bien du professeur Ralph Merkle, pionnier de la cryptographie asymétrique et dont une des inventions – ‘l’arbre de Merkle’ – est un constituant de la blockchain.

Cette définition est criante de vérité. À celle-ci, nous pourrions encore ajouter :

– que son cœur bat toutes les 10 minutes en moyenne, au rythme des blocs;

– qu’il s’améliore continuellement grâce à des développeurs open-source de classe mondiale;

– que c’est un ‘adolescent’, avec de temps à autre de terribles crises de croissance (notons bien que nous ne parlons pas forcément de son prix);

– qu’il retient absolument toute information qu’on lui fournit dans sa blockchain;

– qu’il a un caractère fort car on ne peut le manipuler;

– qu’enfin, par design, il est capable d’opposer une immunité face à chaque attaque et d’en sortir même renforcé.

Bitcoin est un protocole fonctionnant en réseau, mais oui, il adopte aussi un mécanisme proche du biologique : il vit, se développe en se répliquant de plus en plus jusqu’à atteindre sa maturité.

C’est sa fonction objective.

Il présente une configuration matérielle transformant l’énergie pour conserver en son intérieur de l’information dans le temps – ceci est une des plus belles définitions heuristiques du vivant.

Comme nous le faisons avec la nourriture pour conserver et perpétuer notre ADN, lui fait usage des machines et de l’énergie de calcul pour préserver et transmettre sa chaîne de blocs.

Tel un organisme vivant, il fonctionne donc, de façon dynamique et cohérente, pour assurer son maintien.

Une autre similitude est toute darwinienne : open source, Bitcoin accepte que des variations de lui-même soient créées et qu’elles subissent une sélection naturelle.

Laisser se développer librement d’autres configurations de soi, des versions modifiées, éventuellement rivales ou plus aptes à remplir certaines fonctions, c’est typiquement ce qu’il rend possible, jusqu’à parfois en intégrer les meilleures améliorations en son propre sein.

Il s’optimise en permanence, il se soumet… à une évolution.

La version actuelle de Bitcoin est la numéro 22.

Parfaitement rétrocompatible avec les versions précédentes, elle est cependant beaucoup plus riche techniquement et permet de ‘travailler’ les transactions avec une panoplie de plus en plus large d’outils et de méthodes.

Enfin, de par ses qualités, il se rend utile et fiable à son milieu. (En poussant un peu le bouchon, on pourrait dire qu’il ‘séduit’ pour se reproduire)

Un incroyable champignon


Dans une série d’articles parus en 2018, le mycologue Brandon Quittem proposait une piste originale : considérer Bitcoin comme une espèce de champignon.

Tel le personnage de Pacôme, comte de Champignac, Brandon plaçait alors sa grille de lecture champignonneuse sur Bitcoin et observait : pas de cerveau central, pas de centre névralgique dont la destruction entraîne la mort de l’organisme. Anti-fragile par nature, capable de survivre à de longues périodes défavorables, son réseau de nœuds agit comme des mycéliums, des neurones qui assimilent et transmettent l’information, qui peuvent à la fois discrètement s’étendre et puis, brusquement, se mettre à croître au grand jour.

À l’évidence, les similitudes sont pertinentes.

Bitcoin serait un drôle de champignon informatique qui rend service à l’humanité.

Pousse-partout

Aujourd’hui, Bitcoin a déjà bien grandi et ne souhaite qu’une seule chose, continuer à s’étendre et à vivre.

Alors arrêtons de lui trouver des racines à droite, à gauche ou au centre.

Cela n’a aucune importance pour lui, il peut véritablement pousser partout.

Et c’est très bien comme cela !