Il y a des jours où, plutôt que de se concentrer sur tel ou tel aspect technique à vulgariser, il semble plus opportun de lever les yeux, prendre un peu de hauteur et observer le paysage.
Proposons-nous une réflexion sur le contexte assez particulier dans lequel nous opérons les paiements aujourd’hui.
C’est une chose qui semble aller de soi, banalisée dans nos usages et au travers des médias et pourtant, nous vivons une aventure inédite dans l’histoire des transactions économiques entre personnes : l’éradication progressive de l’argent liquide.
Un phénomène lent mais implacable.
Ce qui est frappant, c’est la facilité avec laquelle nous nous sommes habitués à cette idée que nous ne payons plus les gens directement de la main à la main. Il aura fallu tout au plus deux générations.
Et moins nous utilisons l’argent liquide, plus nous nous mettons à payer les gens aux travers d’entreprises dites ‘intermédiaires de confiance’.
Plus facile, plus rapide, plus confortable.
Par force de loi
Depuis les années 60, la banque s’est progressivement généralisée auprès du public et les mondes politique et financier se sont de plus en plus rapprochés.
Petit à petit, nous avons vu apparaître des lois imposant d’une part, le passage par un intermédiaire de paiement pour certains actes administratifs ou légaux et d’autre part, des limites de plus en plus restreintes quant aux montants autorisés pour les transactions en liquide.
Ces 20 dernières années, nous observons encore un durcissement de ces textes et l’ajout de nouvelles mesures contraignantes, enrobées du sucre des bonnes intentions : protection du contribuable, lutte contre la criminalité, le blanchiment d’argent ou encore le terrorisme.
Apparemment, les résultats sont plus que mitigés dans ces domaines mais, de l’autre côté de la balance, la liberté et la vie privée de l’honnête citoyen s’en trouvent sérieusement amoindries.
Dans les faits
Voyons les choses en face : payer son pain, acheter des produits au marché local, laisser des pourboires au serveur et au taxi ou encore filer de l’argent de poche à ses enfants font probablement partie des dernières situations où l’argent liquide est encore majoritairement utilisé.
Nous parlons bien là d’un paiement entre une personne – qui n’est pas une société ou une institution publique ou privée – vers une autre personne – qui n’est pas une société ou une institution publique ou privée.
Aujourd’hui, dans n’importe quel autre contexte de paiement, nous devons faire appel à un intermédiaire qui s’impose à nous, qu’il s’agisse d’une banque, d’une caisse quelconque ou d’un prestataire comme Visa ou PayPal par exemple.
Dans la majorité des cas d’usage, nous nous sommes donc habitués à cet environnement pourtant inédit où il n’est plus possible de payer quelqu’un d’autre sans qu’une entité tierce ne soit impliquée.
Ceci est particulièrement étonnant, dérangeant même.
Ce qui dérange
Au fur et à mesure que le cash disparaît, le phénomène devient irréversible.
Chaque paiement que nous voulons effectuer inclut une étape où nous payons d’abord une entreprise, une société privée qui, non seulement arrive à nous connaître en détail, mais encore est en mesure de monitorer, surveiller et peut-être un jour maîtriser nos usages.
Connaissant le détail de nos dépenses, il lui est loisible de dresser – mieux que nous-mêmes – notre profil; dès lors nous apparaissons nus sous ses projecteurs.
Et si, un jour, elle arrivait à contrôler notre argent, elle serait en position de contrôler notre vie. Elle pourrait nous récompenser ou nous punir, nous élever ou nous briser.
Nos droits fondamentaux seraient bafoués dans ce qu’il y a de plus important : la vie privée et le libre arbitre.
Un juge doit motiver le gel de nos avoirs mais une banque peut nous en interdire l’usage sans que nous puissions l’en empêcher – c’est une entreprise privée.
Plus grave, il n’est pas rare qu’autour de nous, certains viennent à la considérer comme une sorte d’institution supérieure car l’illusion est là : bureaux, costumes cravates, téléphones, airs sérieux, langage alambiqué et procédés complexes…
On pourrait se croire au sein d’un ministère !
Et parfois, le comportement même de ceux qui y travaillent nous met mal à l’aise, nous nous sentons scrutés, jugés, dépendant de leur décision omnipotente.
Exagération ?
Pourtant nous n’en sommes pas si éloignés.
Aujourd’hui, la banque peut devenir partie prenante d’un appareil répressif dans la mesure où elle se voit accorder des rôles d’interrogatoire, de signalement et de blocage.
Pire encore, elle impose ses termes et ses conditions.
Si, pour quelque raison discrétionnaire que ce soit, elle considère que nous les avons violés, elle est en position de refuser l’exécution d’une transaction voire de fermer nos comptes.
Destitués du droit de disposer de notre argent comme bon nous semble, nous nous sentons démunis face à ce mastodonte.
MNBC
Et l’introduction imminente de la MNBC est un jalon dans la disparition du cash et dans le pouvoir grandissant des banques centrales qui n’a rien pour nous rassurer…
La MNBC – ou Monnaie Numérique de Banque Centrale – est une monnaie entièrement informatisée émise et contrôlée par la banque centrale.
Dans un système de MNBC, les transactions financières se font uniquement en ligne, utilisant soit un genre de blockchain privée soit une autre technologie de registre distribué.
Un tel procédé permet aux banques centrales d’avoir un contrôle direct sur la création monétaire, la distribution et jusqu’aux transactions dans l’économie réelle.
D’emblée, une telle monnaie soulève des inquiétudes concernant la vie privée des individus.
Sans même évoquer le risque évident de piratage, une MNBC pourrait permettre aux autorités de s’adonner à plus de surveillance, de suivre de près et même de téléguider les transactions, ce qui compromettrait la vie privée financière des gens, leurs dépenses, leurs habitudes de consommation et d’autres informations sensibles de leur vie.
Car l’utilisation d’une MNBC impliquerait une identification, acte lourd de sens qui faciliterait la collecte et l’analyse de données personnelles.
Après Augustin Carstens ou encore Christine Lagarde, celui qui en parle le mieux est Eswar Prasad, directeur du département Chine du FMI :
‘Le grand avantage d’une monnaie numérique de banque centrale est qu’elle est programmable, ce qui signifie que les gouvernements peuvent définir comment, pour quoi, pour qui et où la monnaie peut être dépensée ou même pour combien de temps elle est valide.’
Dès lors, soyons bien clairs : la MNBC ne serait juste qu’une version moderne du ticket de rationnement.
Avec des autorités centrales ayant un accès direct à toutes ces données, il y a risque important de discrimination financière, de ciblage potentiel de certains groupes ou individus en fonction de leur activité.
Ce qui nous amène au score social.
Le score social
Le score social est un système de notation utilisé par certains gouvernements ou entreprises pour évaluer le comportement et la conformité des individus à leurs normes ou à des politiques établies.
Vertueux en théorie, il est censé se baser sur diverses actions et comportements, tels que le respect des lois, l’éthique, la participation civique, l’engagement communautaire, l’excellence au travail, etc.
Mais en pratique, le score social implique souvent une utilisation étendue de la surveillance, y compris la collecte de données personnelles sensibles, avec comme conséquence dangereuse de forcer les individus à se conformer strictement aux normes établies, limitant ainsi la liberté d’expression, la diversité d’opinions et la créativité.
C’est particulièrement un cas qui s’observe en Chine : un score social bas peut entraîner des conséquences négatives, telles que des difficultés à obtenir un emploi, à accéder à des services publics ou à bénéficier de certains avantages…
En réalité, son usage tendrait à perpétuer les inégalités économiques et sociales.
Bitcoin
Heureusement, l’usage de Bitcoin intervient dans un tout autre contexte… et cela mérite d’être accueilli comme une bénédiction !
En tant que crypto-monnaie décentralisée, son protocole permet le respect de la vie privée.
Contrairement aux transactions effectuées avec les devises traditionnelles (ou MNBC), les échanges Bitcoin ne sont pas directement liés à l’identité réelle d’une personne.
Les utilisateurs sont identifiés par des adresses publiques, qui sont des chaînes alphanumériques générées de manière aléatoire, ce qui rend difficile pour des tiers de relier une adresse Bitcoin spécifique à une personne réelle, préservant ainsi un certain niveau de pseudonymat.
A l’opposé des systèmes de paiement traditionnels, les transactions Bitcoin ne nécessitent donc pas la divulgation d’informations telles que le nom, l’adresse ou les coordonnées bancaires et administratives des utilisateurs, ce qui les protège mieux contre les risques de piratage ou de divulgation non autorisée de leurs informations personnelles.
Les transactions Bitcoin sont couvertes par des algorithmes cryptographiques avancés, qui rendent extrêmement difficile pour des tiers l’accès aux données confidentielles des utilisateurs sans leur consentement.
En conséquence, l’utilisation de Bitcoin permet aux individus d’être autonomes financièrement ; ils n’ont pas besoin de demander la permission à des tiers, pas besoin de comptes bancaires pour effectuer leurs transactions et ils ne sont pas obligés de divulguer leurs informations à des institutions ou à des gouvernements, préservant ainsi leur vie privée financière.
Rappel : bien que Bitcoin puisse offrir un certain niveau de protection de la vie privée, il n’est pas totalement anonyme. Des efforts ont été faits pour améliorer la confidentialité de Bitcoin avec des protocoles améliorés et d’autres technologies, mais il existe toujours des moyens sophistiqués d’infiltration permettant de relier certaines transactions Bitcoin à des utilisateurs spécifiques.
Donc, même si Bitcoin offre une bien meilleure protection de la vie privée que les systèmes de paiement traditionnels, il faut toujours être conscient des bonnes pratiques à adopter lors de son utilisation.
Notre choix
Mais pour revenir au fond de notre sujet, le problème n’est pas tant la situation d’aujourd’hui comparée à une monnaie du futur ou encore à Bitcoin ou quoique ce soit d’autre ;
ce qui est important de comprendre, c’est que dans un avenir plus ou moins proche, l’argent liquide n’existera plus – c’est inévitable – et nous devrons alors choisir très judicieusement quel type de monnaie numérique nous emploierons.
Allons-nous opter pour une société sans cash avec des paiements numériques entièrement contrôlés par des entités tierces, des groupements probablement hybrides, issus d’une sorte de fusion entre des sociétés privées, des banques centrales et des États ?
Ou bien choisirons-nous un monde avec une autre forme de cash numérique : Bitcoin, monnaie en preuve de travail qui est à la base un protocole internet globalisé, permettant à n’importe quelle personne de payer directement et confidentiellement n’importe quelle autre à l’échelle mondiale, sans ingérence aucune ?
Nous avons des raisons d’être assez peu optimistes car le chemin emprunté pour le moment est bien le premier.
Ce chemin, nous y sommes poussés dans le dos et tirés par la chemise. Mais il est encore temps de réagir et de changer de voie.
Quiconque emploie Bitcoin aujourd’hui exerce en vérité un droit de vote pour une autre vision du paiement et de l’économie, une vision plus libre, une vision plus juste.
L’éléphant dans la pièce
La disparition du cash est l’éléphant dans la pièce, ‘défocalisé’ de nos yeux, minimisé, traité avec nonchalance par ceux-là même qui en ont le plus intérêt.
De ce point de vue, le futur s’annonce terriblement dangereux.
Nous devons en avoir conscience aussi bien pour la préservation de notre patrimoine que pour choisir, en connaissance de cause, le quotidien de ceux qui viendront après nous.
Choisissons Bitcoin !