Dans son document fondateur, le créateur du Bitcoin met en lumière l’impossibilité de réaliser un paiement à distance sans être obligé de recourir à un tiers de confiance, une entité imposée par la contrainte et qui exerce autorité sur la validité de la transaction.
Le problème réside dans le fait que cette entité soit en mesure de capturer, d’invalider ou encore de manipuler ledit paiement, ce qui lui octroierait un pouvoir disproportionné sur la vie des gens.
Le fonctionnement de Bitcoin permet de s’en affranchir.
Mais quelle idée se cache réellement derrière ce système ? Quelle en est la philosophie ?
Il n’y a pas de clarté absolue, toutefois nous pouvons tirer quelques déductions. Avant de disparaître, le pseudonyme Satoshi Nakamoto est resté deux années entières sur les réseaux pour expliquer le fonctionnement de Bitcoin et améliorer les premières versions de son code. Il nous a donc laissé quantité d’écrits qui permettent de cerner sa personnalité, sa manière de penser et ses motivations.
Outil de souveraineté
Il émane de ses échanges qu’il ne prétend ni obliger ni interdire quoique ce soit à ceux qui emploient son système.
Il y a des règles, bien sûr, mais minimales et tellement proches de celles qui régissent le bon sens qu’elles en sont évidentes :
- le véhicule de la valeur est rare
- celui qui paie donne la preuve de ce qu’il détient
- celui qui fournit un effort est récompensé
- ce qui est légitime, c’est ce qui rassemble le plus d’efforts…
Mais surtout, il replace l’utilisateur au centre décisionnel du processus.
Le mot qui nous vient à l’esprit, c’est ‘souveraineté’, concept autrefois réservé aux peuples et aux gouvernements et qui s’emploie également de nos jours pour l’individu.
Il définit dans notre cas la faculté de disposer pleinement du pouvoir de décider la transaction, sans interférence ni obligation extérieure, sans recours pour réformer, contredire ou annuler notre volonté.
Dans Bitcoin, cette liberté de décider pour soi-même est un principe fondamental qui est placé au-dessus de tout.
La confiance utile
Ce qui est parfois mal interprété, c’est qu’en créant un protocole fiable en l’absence d’une autorité de confiance, Nakamoto nous aurait lancé une sorte d’injonction à nous en passer dans l’absolu.
Nous sommes plus nuancés et pensons en réalité que ce qu’il prône, c’est la liberté de choisir, sans obligation ni contrainte, vers qui nous souhaitons orienter notre confiance.
Nous pouvons étayer ceci par des exemples relevés dans certains de ses commentaires sur lesquels il évoque l’emploi d’une fiducie :
« Perhaps we could work in a way to do arbitration. If both the buyer and seller agree, the money can be diverted to a 3rd party. That person could then arbitrate and either return the money to the buyer, give it to seller or steal it (obviously you’d want to choose a trustworthy arbitrator) »
« Regardless of what the technical options are, I think that an escrow will always need to be, by definition, a trusted entity »
Oui, déléguer une part de ce pouvoir fait également partie de nos choix souverains.
Du reste, il en a toujours été ainsi. C’est même un socle de nos sociétés humaines que de prêter sa confiance à l’autre, parce qu’il est plus fort, plus expérimenté, plus instruit, plus sage ou vertueux. L’Histoire est peut-être jalonnée de trahisons, elle ne s’est pas moins construite et développée sur des modèles de confiance. Sans confiance, toute organisation humaine s’effondrerait ou ne se maintiendrait que dans la peur. La confiance, c’est bien ce qui nous fait dormir sereinement la nuit.
Ce qui est malsain, même inacceptable, c’est de nous voir imposer des ‘intermédiaires de confiance’ sans notre libre consentement.
Le monde de la cryptomonnaie ne déroge pas à cela.
Des solutions sont valables et leurs outils sont développés pour parfaitement gérer ‘à la volonté’ l’exécution des transactions. Mais d’autres n’aboutissent pas à mieux, parfois même à pire, que ce que nous constatons déjà dans le système traditionnel, où le contrôle nous échappe totalement et où toujours plus de contraintes nous sont astreintes. C’est en tout cas ce qui ressort de l’emploi de certains sites de change en ligne.
« Your keys or not yours keys », là est bien toute la question…
Choisissons donc judicieusement vers qui ira notre confiance.
A minima, nous pouvons tout assumer nous-mêmes, car cette technologie y a veillé, mais c’est alors une grande responsabilité et aussi un grand risque parce que toute perte de clé ou toute transaction erronée constituent des actes irréversibles. Ainsi, si le système Bitcoin est efficace et à notre entière disposition, encore faut-il pouvoir l’employer correctement.
Face à cela, de plus en plus d’acteurs économiques ont bien compris l’enjeu, s’intéressent au sujet et se spécialisent dans le but d’offrir leurs services.
Garde et transmission
Un domaine dans lequel la pratique de cette confiance est un thème incontournable, c’est bien celui de la garde et de la transmission.
À l’écriture de ces lignes, Bitcoin a 14 ans et à mesure que ses pionniers avancent tout doucement en âge et pensent à l’avenir, le sujet émerge de plus en plus au sein de la communauté.
Le cas de la garde est d’autant plus prégnant que la cryptomonnaie est susceptible d’augmenter rapidement en prix (Imaginons détenir des onces qui se transformeraient subitement en lingots… il vaudrait mieux pouvoir vite augmenter l’épaisseur du coffre !)
Le cas de la transmission est encore plus interpellant : à moins que nous raffolions de jeux de pistes et autres cartes au trésor, cela peut s’avérer un véritable casse-tête de transmettre son patrimoine cryptoéconomique, à fortiori si le destinataire de nos intentions posthumes ne maîtrise pas bien la technologie.
Heureusement, dans les deux cas, un intermédiaire de confiance existe. Ce genre d’intermédiaire est d’ailleurs présent depuis des temps immémoriaux dans le secteur des métaux précieux. Il dispose du savoir-faire, de la réputation et de l’infrastructure. C’est un allié discret et puissant. Dès lors qu’il se forme à la cryptomonnaie, il peut nous faire profiter de son expertise et déployer tous ses moyens d’action. Soyons donc attentifs à l’émergence de ce partenaire de confiance.
Puisqu’il ne s’impose pas, il n’appartient qu’à nous de le choisir. Faisons donc nos propres recherches et décidons nous-mêmes librement, en connaissance de cause, s’il nous accompagnera dans cette passionnante aventure.
Puisque vous lisez ces lignes, nous gageons que vous êtes sur le bon chemin.