Dans le cadre du vote du budget 2026, le vendredi 31 octobre, l’Assemblée nationale a adopté un amendement instaurant un nouvel IFI ou impôt sur la fortune improductive relançant le débat sur la fiscalité du patrimoine. Soutenu par le groupe MoDem et plusieurs députés socialistes, ce texte fait renaître le spectre de l’ISF, sous une forme remaniée. Objectif affiché : taxer la fortune qui “ne travaille pas”, en l’élargissant à des actifs jugés stériles. Mais ce concept d’“improductivité” soulève une question fondamentale à l’heure du numérique : le Bitcoin et les cryptomonnaies doivent-ils vraiment être perçus comme des “biens dormants” ?
Une mesure symbolique plus qu’économique
Un amendement au parfum d’ISF
Le texte porté par Jean-Paul Mattei s’inscrit dans le projet de budget 2025 et redéfinit les contours de la fortune immobilière. L’idée : remplacer l’IFI par un nouvel impôt ciblant non plus seulement les biens immobiliers, mais aussi les placements non productifs, comme certaines assurance-vie, voitures, œuvres d’art ou objets de collection. En pratique, il s’agirait d’un taux unique de 1 % sur la fortune nette supérieure à 2 millions d’euros, avec un barème simplifié. Mais au-delà de la technique fiscale, cette mesure relève surtout d’un geste politique : réaffirmer un principe d’équité face aux grandes fortunes, dans une France confrontée à des finances publiques fragiles et à des recettes en baisse.
Vers une redéfinition politique de la richesse
Ce débat dépasse la simple imposition : il interroge ce que la société considère comme “utile”. Pour les députés de gauche, taxer la “fortune improductive” permettrait de réorienter le patrimoine vers des usages “productifs”, c’est-à-dire vers l’économie réelle. Mais cette distinction, héritée d’une logique industrielle du XXe siècle, peine à s’appliquer à une économie numérique où la valeur se crée autant par la confiance que par la production matérielle. Taxer le Bitcoin, c’est confondre “non productif” et “immatériel”.
Fortune improductive : que vise vraiment le texte ?
De l’immobilier aux contrats d’assurance-vie
L’amendement élargit l’assiette de l’impôt à divers actifs perçus comme dormants : biens immobiliers non loués, fonds non investis, assurance-vie en euros, résidences secondaires ou comptes non rémunérés. Cette logique s’inscrit dans la continuité des débats sur la taxation du capital, que la gauche socialiste défend au nom de la justice fiscale. Mais sa portée économique réelle reste limitée : les contribuables concernés ne sont qu’une fraction des détenteurs de patrimoine, et la mesure pourrait rapporter quelques milliards, sans effet majeur sur les finances publiques.
Les cryptomonnaies, victimes collatérales d’une logique fiscale
C’est pourtant l’ajout des actifs numériques dans cette assiette qui a fait bondir le secteur. Assimiler les cryptomonnaies à des objets de luxe ou des œuvres d’art, c’est méconnaître leur rôle dans l’économie numérique. Le Bitcoin n’est pas un bijou spéculatif : c’est un réseau productif, une infrastructure de valeur qui assure chaque jour des transactions, la sécurité de données, et même des transferts internationaux. Pour l’Adan, cette assimilation témoigne d’une “lecture politique déconnectée de la réalité technologique”.
Bitcoin, un actif improductif ? Une lecture à contre-sens
Un réseau productif de valeur et de confiance
L’argument est simple : le Bitcoin ne “produit” rien au sens classique, donc il serait improductif. Mais cette vision ignore qu’il produit une confiance vérifiable, fondée sur la transparence du code et non sur la promesse d’un tiers. Chaque bloc miné, chaque transaction validée, c’est une valeur ajoutée : la garantie que le système fonctionne sans fraude, sans hiérarchie, sans privilège. Autour de ce protocole, une économie productive s’est bâtie : fintech, minage, sécurité, développement open source, fonds d’investissement, comptes d’épargne crypto. Des entreprises comme Ledger ou Paymium participent à la création d’emplois, à l’innovation et à la recette fiscale. Taxer le Bitcoin au même titre qu’une voiture de collection ou une assurance-vie dormante, c’est donc nier sa contribution réelle à l’économie.
De la stabilité comme utilité économique
Le Bitcoin ne verse pas de dividendes, mais il stabilise. Il sert d’actif de réserve face à la volatilité monétaire et à la dépréciation des devises. Les fonds et banques qui en détiennent une part ne cherchent pas le rendement, mais la résilience. Autrement dit, le Bitcoin est improductif seulement si l’on confond productivité et spéculation. Il ne génère pas de flux financiers immédiats, mais il produit de la confiance, cette ressource rare qui soutient l’ensemble du système économique. C’est en cela qu’il s’apparente plus à l’or qu’à un actif dormant.
Au-delà de la taxe : une méconnaissance du numérique productif
En intégrant les cryptomonnaies dans une logique d’imposition fondée sur l’IFI, le législateur transpose une grille du passé à un objet du futur. Le Bitcoin n’est pas un actif “non productif” : c’est une forme de patrimoine numérique qui soutient une économie décentralisée et productive de confiance. Cette mesure, si elle venait à survivre à son examen par le Sénat en novembre, créerait une distorsion entre innovation et fiscalité. Le Bitcoin ne s’oppose pas à la France productive : il en incarne une nouvelle version — celle où la valeur n’est plus matérielle, mais systémique.
Qualifier le Bitcoin ou les cryptomonnaies de “biens improductifs” revient à appliquer une grille de lecture dépassée à un objet économique moderne. La réforme de l’impôt sur la fortune improductive pose une question légitime : qu’est-ce que « produire » aujourd’hui ? Mais si la fiscalité rate sa lecture du numérique, elle risque de taxer non pas la fortune improductive, mais l’innovation productive déguisée.
FAQ – Impôt sur la fortune improductive et Bitcoin
Qu’est-ce que l’impôt sur la fortune improductive ?
L’impôt sur la fortune improductive est une mesure proposée dans le projet de budget 2025 pour remplacer l’actuel impôt sur la fortune immobilière (IFI).
Il vise à taxer les patrimoines jugés “non productifs” : biens immobiliers non loués, contrats d’assurance-vie sans unité de compte, voitures de collection, œuvres d’art ou actifs financiers non investis dans l’économie réelle.
Le taux unique envisagé serait d’environ 1 %, au-delà de 2 millions d’euros de fortune nette.
Pourquoi cet impôt fait-il débat ?
Cet amendement est perçu par certains comme un retour déguisé de l’ISF, supprimé en 2018.
Ses défenseurs estiment qu’il permettrait de réorienter le capital vers l’investissement productif.
Ses opposants dénoncent une mesure politique, sans impact réel sur les recettes publiques, et qui risque de pénaliser l’épargne ou les placements innovants.
Le débat est aussi idéologique : faut-il taxer la richesse dormante ou encourager la prise de risque ?
Le Bitcoin pourrait-il être concerné par cet impôt ?
Le texte, dans sa version adoptée à l’Assemblée nationale, mentionne explicitement les actifs numériques dans l’assiette de l’impôt.
En théorie, les cryptomonnaies comme le Bitcoin pourraient donc être considérées comme “improductives” si elles ne génèrent pas de revenus directs.
Mais cette lecture est controversée : le Bitcoin n’est pas un bien dormant, c’est un réseau actif qui soutient une économie productive (infrastructures, data centers, fintechs).
Plusieurs acteurs, dont l’ADAN, appellent à une clarification fiscale.
Quelle différence entre la fortune immobilière et la fortune improductive ?
La fortune immobilière (IFI) concerne exclusivement les biens immobiliers : logements, résidences, terrains, SCI, etc.
La fortune improductive, elle, engloberait une catégorie plus large : biens immobiliers mais aussi assurance-vie, comptes en liquidités, objets de valeur, voire cryptomonnaies.
Autrement dit, l’assiette s’élargit, et la taxation devient transversale entre différents types d’actifs.
Quelle est la position du gouvernement sur cette mesure ?
Pour l’instant, il s’agit d’un amendement parlementaire, non d’une initiative gouvernementale.
Le Sénat et le ministère des Comptes publics se montrent prudents : la mesure pourrait être écartée lors du vote final en novembre, ou supprimée par le 49.3.
En d’autres termes, rien ne garantit que cet impôt sera intégré à la version définitive du budget.
Pourquoi le Bitcoin ne peut-il pas être considéré comme improductif ?
Parce qu’il produit autre chose que du rendement : il produit de la confiance, de la sécurité, et une valeur systémique.
Le Bitcoin n’est pas une œuvre d’art ni un objet statique : c’est un réseau actif qui valide des transactions, sécurise des données et soutient un écosystème économique réel.
Il favorise la transparence, la traçabilité et l’innovation financière.
Le qualifier “d’improductif”, c’est ignorer la nature même de l’économie numérique.
Comment les investisseurs crypto doivent-ils réagir ?
Aucune mesure n’est en vigueur à ce jour : la prudence reste de mise.
Il est néanmoins essentiel de déclarer correctement ses actifs numériques dans sa déclaration fiscale, notamment en cas de cession ou de détention à l’étranger.
En parallèle, les investisseurs doivent suivre les débats sur la fiscalité crypto, car la France cherche encore à définir un cadre stable entre innovation et équité fiscale.
Les plateformes enregistrées PSAN, comme CrypCool, accompagnent leurs clients dans cette conformité.
Quelle est la suite du processus parlementaire ?
L’amendement doit encore être examiné par le Sénat puis éventuellement intégré à la version finale du budget.
S’il est confirmé, un décret d’application serait nécessaire pour préciser l’assiette, le barème, et les exonérations éventuelles.
Mais de nombreux observateurs, dont Le Monde et Capital, estiment que cette mesure a peu de chances de survivre dans sa forme actuelle.