Meme coin : l’essor risqué d’une crypto virale entre buzz et arnaques

Contrairement aux cryptomonnaies comme Ethereum ou Bitcoin, qui reposent sur une infrastructure technique robuste et une mission clairement définie (paiements décentralisés, contrats intelligents, finance décentralisée…), les meme coins lancés par des célébrités s’apparentent davantage à des produits de communication qu’à de véritables projets blockchain. Ces tokens sont souvent dépourvus de feuille de route, d’équipe de développement identifiable, ou même de finalité autre que générer de la monnaie virtuelle à court terme pour ceux qui les ont émis.

Ils misent tout sur un effet de levier unique : la notoriété immédiate. Un tweet bien placé, une vidéo virale, une photo de profil modifiée, et des milliers d’utilisateurs affluent en espérant ne pas rater « le prochain Dogecoin ». Le marché ne réagit plus aux fondamentaux du projet — il n’y en a souvent pas — mais à une sorte de FOMO collective déclenchée par la présence d’un nom connu. L’engagement émotionnel des fans ou des communautés en ligne remplace l’analyse rationnelle des valeurs ou des technologies sous-jacentes.

Comme l’explique BeInCrypto, la majorité de ces tokens tirent profit de la dynamique virale des réseaux sociaux, notamment X (ex-Twitter), Telegram ou TikTok, sans pour autant proposer une utilité concrète ou une stratégie de long terme. Loin d’être des objets d’investissement, ce sont des instruments de spéculation à effet instantané, qui s’envolent dès l’annonce… puis chutent aussi vite, une fois que les premiers acheteurs prennent leurs profits ou que la communauté tourne son attention vers un autre projet.

Les principaux tokens de célébrités — YZY de Kanye West, MOTHER d’Iggy Azalea, JENNER de Caitlyn Jenner — suivent presque tous cette trajectoire. Leur cours grimpe en flèche dans les premières heures ou jours, mais finit invariablement par s’effondrer. Ce n’est pas une anomalie du système : c’est sa mécanique normale. Le meme coin devient alors une monnaie jetable, un actif éphémère dont la durée de vie se compte parfois en heures.

Cette logique explique pourquoi si peu de ces projets survivent au-delà de leur lancement. Sans communauté durable, sans valeur ajoutée, et sans volonté de construire un écosystème, ces pièces s’effondrent une fois leur pic de visibilité atteint.

Outre le cas de YZY, le meme coin de Kanye West, plusieurs projets récents illustrent la fragilité structurelle des jetons liés à des célébrités. On se souvient du jeton JENNER, associé à Caitlyn Jenner, dont le lancement explosif a été rapidement suivi d’un piratage du wallet promotionnel, provoquant un effondrement du prix et une perte de confiance quasi immédiate. Le jeton, censé servir de monnaie symbolique pour soutenir la cause transgenre, a été abandonné quelques jours après son lancement.

Autre exemple : MOTHER, le token d’Iggy Azalea, qui a connu un buzz intense sur X avant d’être lui aussi victime d’une désorganisation de l’équipe initiale, combinée à des mouvements de trading suspects impliquant des bots.

Mais c’est sans doute la série de meme coins émis ou promus par Donald Trump et Melania Trump qui a cristallisé le plus d’attention médiatique et politique. Durant la campagne présidentielle américaine de 2024, plusieurs jetons associés à leur image ont circulé, notamment TrumpCoin, MAGA Coin, et Melania Coin.

Créer un meme coin n’a jamais été aussi simple. Des plateformes comme Pump.fun, PinkSale, ou encore Token Factory permettent de lancer un jeton sur Ethereum ou Solana sans coder. En quelques clics, n’importe qui peut mettre en ligne une pièce, avec un logo, une supply (quantité disponible), et quelques frais de lancement. Résultat : des millions de tokens sont créés chaque mois.

Selon Forbes, on estime que plus de 20 millions de jetons ont été générés en 2024, pour une capitalisation globale qui frôle désormais les 100 milliards de dollars. Mais moins de 0,01 % atteignent une visibilité significative sur le marché.

Le succès ne dépend pas de la technologie. Il repose avant tout sur le mème : un visuel marquant, un nom accrocheur (souvent associé à une star, un animal ou une blague politique), et un narratif viral. Des tokens comme Elon Goat Token, Dogwifhat, ou encore MAGA Coin surfent sur cette vague de la symbolique décalée. Sans buzz, le token meurt.

Dans le cas de YZY, 99Bitcoins révèle que 11 adresses ont empoché 30 % des gains totaux. Grâce aux bots, aux préventes ou aux liens avec les équipes de lancement, ces acteurs bénéficient d’un avantage chronologique et stratégique écrasant. En revanche, la majorité des traders individuels entre au pire moment : après que le prix a déjà été multiplié par 100.

Comment le comportement de la communauté est manipulé pour générer un « pump » qui porte aux nues le token puis un « dump » immédiat qui impacte drastiquement sa valeur.

Ce schéma est si courant qu’il a été surnommé par certains analystes le cycle des 24 h.

À défaut de servir d’outil de paiement, les meme coins agissent comme des produits culturels numériques. Ils reflètent les tendances de l’internet, les courants politiques ou sociaux, et parfois l’absurde. Dans un monde saturé de contenu, posséder un jeton viral devient une forme de participation à la conversation collective.

Certains experts voient dans les meme coins une extension logique du modèle NFT. Là où un NFT représente une image ou un actif numérique unique, un meme coin symbolise un concept viral partagé. À la différence près que leur valeur est encore plus instable, car ils sont fongibles et hautement spéculatifs.

Les premiers projets hybrides : DeFi + mèmes:

• Floki Inu : écosystème éducatif + jeux blockchain
• Pepe : paiements en ligne + collection NFT
• Dogwifhat : campagne caritative + contenu communautaire

Cryptonaute souligne que ces projets hybrides sont susceptibles d’annoncer un virage plus structurant du secteur, même si cela ne représente qu’une infime minorité du marché.

D’après TF1 Info, de nombreux faux coins utilisent des identités de personnalités sans leur autorisation, notamment en France. Il s’agit souvent de fraudes organisées, où les créateurs disparaissent avec les fonds en quelques heures. C’est le rug pull, littéralement « tirer le tapis ».

Les meme coins ne sont généralement pas listés sur des plateformes d’échange régulées. Ils évoluent dans des environnements peu sécurisés, avec peu d’audits, peu de garanties, et une liquidité très faible. La manipulation des cours, par des traders coordonnés ou des bots, est fréquente.

Pour l’instant, les autorités n’interdisent pas les meme coins, même lorsqu’ils sont associés à des célébrités. Cela rend le cadre réglementaire flou. La régulation européenne MiCA, attendue pour 2026, pourrait cependant imposer des limites à ces produits à très haut risque, notamment en matière de transparence et de promotion.

Malgré tout, les memecoins populaires comme Dogecoin, Shiba Inu, Pepe, ou Bonk continuent d’afficher des performances solides. En juillet 2025, Dogecoin a progressé de +34 %, selon YouHodler, regagnant sa place de leader avec une capitalisation de plus de 24 milliards de dollars.

Les groupes Telegram, Discord ou X de ces projets restent extrêmement actifs. Ce sont parfois des milliers d’utilisateurs qui assurent la communication, la promotion, et même le développement de ces projets de façon bénévole. C’est ce lien communautaire qui permet à certains meme coins de survivre plusieurs années.